Une membre OA, en rétablissement des compulsions alimentaires, nous partage son parcours. La découverte des fraternités Anonymes, les fausses solutions, la définition de son abstinence face aux addictions de nourriture, sa période sans réunions de partage… Mais, surtout, l’acceptation de la vraie solution à la boulimie.
Partage issu du Congrès OA France 2020. Thème : De l’Acceptation à l’Action. Les paroles que vous entendez/lisez sont strictement celles de la personne qui les a exprimées. Elles ne représentent pas OA dans son ensemble.
Des essais infructueux pour se sortir des TCA
La découverte des groupes de parole sur les addictions
J’ai commencé mon rétablissement auprès des Alcooliques Anonymes. Ils m’ont accueillie comme l’une des leurs. Ils ont reconnu les similarités entre ma maladie et la leur. Ils m’ont laissé participer à leurs réunions. Ils m’ont aidée quand j’ai voulu monter un groupe OA. Ce sont un peu mes parents du programme.
Mais je me contentais d’aller en réunion et de lire la littérature. Donc… Les compulsions continuaient. Elles étaient moins fortes, moins fréquentes, mais elles continuaient.
Au bout de 2 ou 3 ans où j’assistais à ces réunions, je suis arrivée à Paris. Et là… Des réunions partout, pleines de membres. Des vrais OA ! Des gens qui parlaient de nourriture, pas d’alcool. Donc l’identification a monté d’un cran. Ça a été un très gros catalyseur pour mon rétablissement.
Les réunions entre boulimiques et outremangeurs, un outil insuffisant
À cette époque, j’acceptais mon problème avec la nourriture. Mais, là encore, je n’acceptais pas de mettre en œuvre le programme. Je continuais à me contenter des réunions. Je pensais qu’entendre les partages de personnes qui vivaient la même chose que moi, ça suffisait.
En fait non.
J’avais entendu parler du marrainage. Je me disais « ah oui, ça pourrait être bien. Je vais attendre de trouver la marraine parfaite pour être marrainée. » Évidemment, je ne trouvais pas la marraine parfaite : il y avait toujours quelque chose qui n’allait pas.
Une marraine pour avancer dans le rétablissement de la boulimie
Au bout de plusieurs mois, après un énième fond, je me suis dit « non, ça suffit. Demain je vais en réunion. La première personne qui est disponible pour marrainer, je lui demande. J’arrête de chercher la perfection chez quelqu’un. » Et ça a été la marraine parfaite.
Avec elle, j’ai commencé le travail des 12 Étapes, réellement. Là, le changement a été radical. En fait, les réunions, les partages et la littérature c’est bien, mais pour moi ça n’a pas suffi.
J’ai commencé le travail des Étapes en février 2009. Je suis devenue abstinente le 18 mai 2009. En quelques mois, j’avais trouvé ma solution à la boulimie. Ça a été radical.
L’abstinence de compulsions alimentaires : poser ses propres limites
La difficulté à définir son abstinence des compulsions alimentaires
Je fais une petite parenthèse sur mon abstinence de crises alimentaires, que j’ai mis très longtemps à définir. Je n’arrivais pas à poser quelque chose qui soit juste pour moi. Je pense que c’est pour ça que je n’arrivais pas à la maintenir plus de quelques jours.
J’avais réussi à définir une abstinence globale « no binging, no purging, no dieting ». Pas de compulsion, pas de vomissement, pas de régime. Mais ce terme « pas de compulsion » était flou pour moi. Où était la limite entre « je ne compulse pas » et « je compulse » ?
J’ai essayé plein de trucs : pas de sucre, 3 repas par jour et rien entre les repas, etc. Mais, pour moi, ça ne fonctionnait pas. J’étais capable de compulser sur n’importe quel aliment à peu près comestible. J’avais déjà fait des crises alimentaires sur du fromage blanc 0 % et des haricots verts ! Donc, définir des aliments qui me faisaient compulser, ça ne fonctionnait pas pour moi.
Enfin, l’éveil spirituel
En mai 2009, j’ai eu un réveil spirituel. Je l’identifie vraiment comme ça.
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J’étais dans un train, à l’étranger : deux situations pour moi très anxiogènes. Je ne supportais pas d’être dans un train, il me fallait toujours à bouffer pour tenir le temps du trajet. Donc j’avais acheté un ou deux paquets de trucs à manger à la gare. Dans le train, j’ai commencé à manger. Au bout de quelques bouchées, mon corps en avait assez.
C’est le moment typique où dans une compulsion mon corps me dit « non mais c’est bon, t’as commencé le paquet, termine-le. » Et là, j’ai eu une prise de conscience hyper forte.
Je me souviens très fort de la lumière qu’il y avait dans ce train, des couleurs autour de moi. C’était comme une espèce de voix super forte dans ma tête. Ça peut paraitre complètement perché, c’est vraiment pour ça que je l’identifie comme un réveil spirituel. Là, je me suis dit « mais en fait, j’ai pas BESOIN de finir ce paquet. » J’ai refermé le paquet. Je n’y ai plus touché du trajet. J’ai survécu à ce trajet sans continuer à manger.
Quelques jours ou semaines après, j’ai regardé en arrière. Je me suis dit « tiens, je n’ai pas compulsé depuis ce jour-là, depuis ce trajet en train. » Donc, j’ai ressorti mon billet pour retrouver la date et j’ai daté mon abstinence de ce jour-là. 18 mai 2009.
Sa propre définition de l’abstinence de crises boulimiques
Cette expérience m’a permis de définir ce qu’est pour moi « pas de compulsion alimentaire ». Je répète que c’est vraiment ce qui fonctionne pour moi. C’est d’ailleurs ce que j’apprécie chez OA : chacun peut définir sa limite là où elle est bonne pour lui.
Pour moi, la limite entre prise alimentaire et compulsion boulimique c’est « je ne finis pas le paquet ». Donc si je mange le paquet moins 1 truc, c’est OK. C’est une limite très large, mais ça me permet d’être souple.
En pratique, je ne mange jamais le paquet moins 1 truc, ni même la moitié du paquet. Mais, juste le fait de savoir que c’est possible, que ça serait OK… Je n’obsède plus. Je n’ai plus cette manie de la perfection alimentaire, en permanence. C’est comme quelqu’un qui arrête de fumer, mais qui a toujours un paquet de clopes chez elle : moi, ça me rassure.
La solution à la boulimie : le programme en 12 Étapes
Accepter l’imperfection pour faire de son mieux
Maintenant, j’essaye de suivre au mieux mes sensations alimentaires, ma faim, ma satiété.
Pour moi, c’est la façon dont ma PS (Puissance Supérieure, voir Les 12 Étapes) m’indique quand j’ai besoin de manger et quand il est temps de m’arrêter. Je ne suis pas calée dessus parfaitement, ni 100 % du temps.
Mais je fais de mon mieux. L’important, c’est que j’accepte que ce n’est pas parfait.
Des années pour accepter et mettre en place le programme de rétablissement
Donc avec cette marraine, trouvée à Paris, j’ai fait les 12 Étapes assez rapidement. C’était une marraine américaine, elle faisait travailler les étapes assez rapidement, à l’américaine.
Mais, pour moi, l’acceptation a pris des années. Entre le moment où j’ai compris que j’avais un problème avec la bouffe et le moment où j’ai accepté la solution offerte par le programme, il m’a fallu des années. Il m’a fallu accepter que j’avais un problème avec la nourriture, que j’étais impuissante devant ce problème de boulimie. Accepter de demander de l’aide. D’abord à mes parents, puis à OA, puis à une marraine, puis enfin à ma PS.
À lire aussi : Le programme de Rétablissement OA.
C’est seulement une fois que j’ai accepté tout ça que j’ai pu passer à l’action, que j’ai pu mettre en pratique le programme des 12 Étapes. Pour moi, c’est la seule action qui fonctionne contre les compulsions alimentaires.
Partager en réunion, lire la littérature : longtemps, j’ai pensé que, tout ça, c’était suffisant. Mais en fait, les outils de rétablissement ne sont« que » des outils. Je mets de très gros guillemets parce qu’ils sont hyper importants, ils sont hyper précieux.
Mais ils ne font pas le rétablissement. Ce qui fait le rétablissement de la boulimie et des compulsions alimentaires, c’est la pratique des 12 Étapes. C’est la base du programme en fait.
Un retour dans le programme de rétablissement, sans crises de boulimie
Je suis de retour dans le programme depuis quelques mois. J’ai fait une grosse pause de 5 ans hors programme. Je ne le recommande à personne.
Sans le programme OA : perdre la maîtrise de sa vie
Le vrai miracle, c’est que je suis restée abstinente tout ce temps. Mais j’étais ce que les AA (Alcooliques Anonymes) appellent une « dry alcoholic », une alcoolique sèche. Je ne consommais pas, mais… J’avais complètement perdu la maîtrise, dans tous les autres domaines de ma vie.
Il y a une page du livre Aujourd’hui que j’aime beaucoup, qui dit à peu près « la personne normale, quand sa voiture ne démarre pas le matin, elle appelle le garage. La personne compulsive appelle SOS suicide. » J’étais la personne qui appelle SOS suicide 15 fois par jour.
Vous l’aurez compris : ce n’était pas une bonne idée, pour moi, de « lâcher » le programme. En même temps, ça a été une expérience. Ça m’a permis d’y revenir. Et de me rendre compte qu’en fait, c’est ce programme qui marche pour moi.
Des épreuves traversées dans l’abstinence de compulsions alimentaires
J’ai travaillé une fois les 12 Étapes, j’ai vu les changements incroyables dans ma vie. Je suis devenue abstinente, l’obsession de la nourriture m’a quittée. Depuis les 7 dernières années, j’ai traversé des moments très beaux et des obstacles très très durs.
J’ai vécu des ruptures, des moments très stressants d’examens et de concours, le début de ma vie professionnelle, des déménagements, la mort de mon père, la naissance de ma fille. Ma fille est née un 17 mai, la veille de mon anniversaire de 5 ans d’abstinence. Pour moi, c’est un cadeau du programme cette enfant. J’ai connu la vie de jeune maman, avec toutes les difficultés que cela implique. La naissance de mon fils. Le suicide de ma sœur, ça a été très très dur. J’ai connu la maladie, la douleur physique, le handicap depuis deux ans.
Voilà.
Et tout ça, si je l’ai traversé, si je suis toujours debout aujourd’hui, je sais que c’est parce que ma PS a continué à être à mes côtés tout du long.
Finalement : de l’acceptation à la solution contre la boulimie
Donc je suis revenue en OA il y a quelques mois. J’ai retrouvé une marraine très vite. Parce que je savais qu’il fallait que je travaille les Étapes et que j’ai besoin d’une marraine pour cela. Toute seule, je n’y arrive pas.
Justement, hier j’ai partagé ma 3e Étape avec elle. Je reprends le contact quotidien avec ma PS. Je me remets à lui demander de l’aide pour les petites choses dans ma vie. Je lui confie ma vie et mon rétablissement.
Et même si je n’arrive pas à lui confier tout, tout le temps… L’important c’est que j’essaye. Je progresse et, chaque jour, j’arrive à lui confier un petit bout en plus. Aujourd’hui, ça me demande encore un effort pour ramener ça au niveau de ma conscience. Mais je sais que ça va devenir de plus en plus facile. Un jour, ça va devenir un réflexe.
Pour moi, les 3 premières Étapes sont indispensables, elles constituent justement le début de l’acceptation. Par contre, l’action commence à la 4e Étape. J’ai vraiment hâte de recommencer ma 4e Étape pour passer à l’action. Pour changer, pour commencer le changement.
Merci beaucoup d’avoir lu ce témoignage de rétablissement. Pour en savoir plus sur notre solution à la boulimie et aux compulsions alimentaires, découvrez la description du programme OA. Vous verrez : ça marche.