1er octobre 2004
témoignage de Julie
Bonjour. J’ai 24 ans, je suis anorexique-boulimique vomisseuse et je vais bien aujourd’hui. C’est en voulant rédiger ces quelques lignes que je me suis posée la question suivante : “Mais que s’est- il passé pour que j’en arrive là ?”
En effet j’ai grandi dans une famille où tout me semblait tranquille mais où tout de même les repas étaient toujours un peu plus longs et surtout plus copieux qu’ailleurs !!!
Cette constatation pour me dire que mes problèmes avec la nourriture ont certainement un rapport avec cette omniprésence de la bouffe dans mon environnement familial…
De plus, aussi loin que je me souvienne la notion d’apparence m’a toujours fait peur. Petite j’étais ronde et on m’a souvent dit que j’étais rigolote “je suis sûre que si on la pousse elle va rouler”. Puis j’ai grandi et j’ai eu une apparence somme toute normale, du moins je n’avais aucune réflexion désagréable jusqu’au jour où, à 9 ans, ma mère a décidé de m’envoyer chez le coiffeur. C’était la catastrophe ! A l’école j’ai subi les rires et les moqueries de mes camarades. C’est à cet instant précis que j’ai pris conscience que les gens accordaient beaucoup d’importance au paraître. Dès lors je me suis sentie déstabilisée et mal dans ma peau.
L’été suivant, je suis partie en vacances chez ma tante, première fois que je quittais mes parents. J’étais triste, je pleurais le soir en cachette, car fière je voulais montrer que j’étais une grande fille même si au fond j’étais fragile comme un bébé.
Et puis arriva une profonde tragédie pour moi : mon amie, sa petite sœur et sa maman sont décédées dans un accident de la circulation. C’est la première fois que j’ai vu mon père pleurer. J’avais beaucoup de chagrin et j’avais aussi très peur mais je n’en ai jamais parlé.
Puis vint l’adolescence, je n’étais pas très bien dans ma peau mais je faisais beaucoup de sport, j’avais des amis sympas et ça se passait quand même plutôt bien jusqu’au jour où mon club a fermé. Il était impossible pour moi de pratiquer ce sport dans un autre club que le mien, puisque ma famille était très investie bénévolement, “je ne pouvais pas aller chez l’adversaire”. Je me suis sentie mal dans ma peau, j’ai pris un peu de poids et un jour j’ai entendu un “eh la grosse !” de la part d’un camarade de classe. Il m’a avoué que c’était pour rire mais moi ça ne me faisait pas rire du tout…
Puis c’était la fin des années collège et j’ai pris la décision d’aller au lycée en tant qu’interne, je ne savais pas alors que je commettais une grave erreur. En effet j’ai toujours eu l’impression de communiquer avec ma famille mais l’éloignement m’a permis d’avoir une prise de conscience dramatique. L’année de seconde était très difficile car le niveau était bien plus élevé que le collège où j’étais. J’avais de mauvaises notes et lorsque j’appelais chez moi les sujets de conversations tournaient essentiellement sur mes résultats scolaires (comme mes notes étaient nulles ça ne m’enchantait pas) et sur la qualité de la nourriture à la cantine…J’étais de plus entourée d’amies très proches de leurs parents (sans doute à mon grand malheur). Je prenais conscience que ma famille était différente, j’ai d’ailleurs aujourd’hui la réponse à mes questions puisque j’ai eu connaissance d’un lourd “secret de famille”. Je me rendais également compte que je n’avais jamais réellement eu de preuves d’amour de la part de mes parents et les gestes d’amour et d’affection étaient peu présents. Quand j’y repense avec du recul je trouve ça bête mais à l’époque j’étais en pleine crise existentielle et dans le tourbillon de l’adolescence ? De plus je me sentais mal dans ma peau car je ne faisais toujours pas de sport, j’avais pris du poids et puis toujours pas de petit ami, je me trouvais moche.
J’ai commencé à repenser à un tas de choses, comme le fait que chez moi on ne parle pas de ses sentiments (la mort de mon amie). Je me suis souvenue des moqueries de mes camarades. Ma grande sœur était aussi à l’internat mais pour elle j’étais un boulet. Il faut dire qu’on ne sait jamais très bien entendues. Elle m’a avoué qu’elle me jalousait car pour elle j’étais la petite chouchou des parents. J’avais aussi beaucoup de ressentiment vis à vis d’elle. Un an auparavant ma grand-mère m’a révélé un secret intime sur ma mère. Quand je l’ai su ça m’a fait beaucoup de chagrin ? Je l’ai dit à ma sœur et ce qu’elle a répondu m’a beaucoup blessée. Un plus tard je me suis retrouvée avec un mal être profond.
Au printemps ma copine d’internat et moi nous sommes lancées un défi. Nous avons décidé de faire un régime, pour ma copine ça a duré 2 jours et moi je suis tombée dans l’enfer de l’anorexie…
Je me suis isolée et j’ai rompu tous les liens avec mes amis et mes proches. Je ne répondais plus au téléphone, je n’appelais plus, n’écrivais plus, je restais dans ma chambre. Plus je maigrissais et plus j’étais fière, c’était pour moi exaltant d’avoir un tel contrôle sur mon corps, sur mon poids… Je faisais beaucoup de sport jusqu’à tomber par terre mais ce n’était pas grave de toute façon je devais aller jusqu’au bout de mes limites même plus si possible. A cet instant j’étais loin d’imaginer que ce que je faisais était dangereux, de toute façon c’est simple je m’en fichais.
Mes parents ne se sont pas rendu compte immédiatement de ce qu’il m’arrivait. Il faut dire que j’étais très douée pour les mensonges. Ils voyaient que je mangeais (en fait c’était le chien qui se régalait pendant les repas) et puis je faisais du sport, donc tout allait bien… Mais ça n’a pas duré car j’étais très mal et ça je ne pouvais pas le cacher très longtemps. Je ne leur disais plus rien, j’avais des idées noires qui me traversaient l’esprit, j’avais envie de disparaître. Les vacances d’été étaient arrivées, j’étais à la maison. À table je ne faisais plus d’efforts pour cacher, j’assistais aux repas mais je ne mangeais rien. Le climat s’est vite dégradé et mes parents ne savaient que crier pour me forcer à manger. C’était pire que tout…je me sentais encore plus seule, incomprise, j’avais mal. Tout ce que je souhaitais c’est que mes parents me serrent dans leurs bras et qu’ils me disent qu’ils m’aimaient… en vain, mon appel à l’aide ne s’entendait pas, ne se voyait pas. L’été est passé puis la rentrée, l’internat…mon père a été licencié et le climat familial s’est un peu plus dégradé.
Mais ma sœur avec qui je ne m’entendais plus m’a avoué qu’elle était très inquiète pour moi. Elle a décidé de m’aider et a bien “voulu sortir sa petite sœur” un samedi soir. De ça je lui suis très reconnaissante.
Ce soir là j’ai rencontré un garçon qui est devenu mon petit ami. Il était très gentil et très attentionné, même si tout n’était pas rose je me sentais revivre. J’avais encore du mal avec l’idée de manger mais j’étais prête à faire des efforts (ce que j’ai fait.)
Malheureusement pour moi à cette même période la surveillante de la cantine a repéré mon petit manège. Devant mon entêtement à ne rien avaler, elle a menacé “d’alerter la responsable de l’internat et mes parents”. Elle m’a surtout forcé à manger. J’avalais cette nourriture qui me faisait horreur tout en pleurant, puis ne pouvant pas garder cette nourriture je suis allée aux toilettes et j’ai vomi, je n’ai pas l’impression d’avoir eu besoin de me forcer.
Puis la relation avec mon ami s’est dégradée et on s’est quitté, malgré tout je l’aimais encore. Je me souviendrais toujours de ce jour où j’ai fait ma première crise de boulimie. C’était juste après la rupture, je me suis jetée sur la nourriture comme une “enragée”, mais cette bouffe je ne pouvais pas la garder en moi, j’avais trop peur de grossir, je me suis fait vomir et c’est bien à cet instant que la boulimie et les vomissements sont entrés dans ma vie. Comme quoi ! J’ai pu dire ce que je ressentais aux gens que j’aime sans colère ni ressentiment, ce qui était nouveau pour moi…
Bien sûr ce n’est pas évident tous les jours, il y a des hauts et des bas, j’ai vécu des moments difficiles mais grâce au soutien de mes amis OA j’ai pu les vivre autrement qu’avec la nourriture. Pour cela je ne remercierais jamais assez les OA . MERCI DE TOUT CŒUR !
PS : une dernière chose : si ça a marché pour moi il n’y a pas de raison que ça ne marche pas pour vous, si vous le voulez vraiment !