Une membre OA nous partage son parcours pour se sortir de la boulimie. Les vomissements, les difficultés, les embûches… Puis l’espoir retrouvé du rétablissement des TCA. Un témoignage poignant.
Partage issu du Congrès OA France 2021, avec le thème : « L’espoir du rétablissement ». Les paroles que vous entendez/lisez sont strictement celles de la personne qui les a exprimées. Elles ne représentent pas OA dans son ensemble.
Je suis boulimique vomisseuse et outremangeuse compulsive.
Je vous remercie tous et toutes, car, si vous n’étiez pas là, je ne serais pas là. Je serais sans doute très mal, toujours dans la maladie, dans les compulsions alimentaires. Ça, je tiens à le dire. Au fil des années, je me suis rendu compte que je ne pouvais pas me sortir de la boulimie seule.
De la découverte des compulsions alimentaires, aux premiers pas dans le rétablissement
La première prise de conscience : la maladie est en moi
Commençons mon histoire par le début… Je suis née en République Démocratique du Congo. Depuis, j’ai voyagé… Et ma maladie a voyagé avec moi. J’ai vécu en Belgique, en Israël, aux États-Unis, en Australie, en France. Ma maladie, le trouble du comportement alimentaire, a toujours été là, et sera toujours là, avec moi.
Qu’elle soit dormante ou pas, la boulimie est toujours là. Elle voyage là où je vais.
Je dis ça, car très souvent, dans mon parcours, j’ai cru que le problème venait des endroits où j’étais. Jusqu’à ce que je me rende compte que la seule constante, c’était moi. Donc que c’était moi le problème. Pas les endroits, les personnes ou l’extérieur.
Des AA à la découverte des OA
J’ai découvert les Outremangeurs Anonymes (OA) par l’intermédiaire des Alcooliques Anonymes (AA). J’étais mariée à un alcoolique en rétablissement. Quand je l’ai connu, il buvait. Puis, il a arrêté de boire et nous avons commencé une relation. C’est comme ça que j’ai été introduite aux AA… Et que je me suis rendu compte que j’avais un problème d’alcool aussi. C’était en 1989.
Après quelques mois de AA, j’ai connu OA. Ça a été une révélation. Je me suis directement reconnue. J’ai immédiatement fait ce qu’on me recommandait, comme j’ai toujours été la petite fille qui fait exactement ce qu’on lui dit. Donc j’ai suivi. On m’a dit tu prends une marraine, j’ai pris une marraine. On m’a dit de travailler les Étapes, j’ai commencé à travailler les Étapes. J’ai été directement abstinente.
Une abstinence fragile de vomissements et crises alimentaires
Une perte de poids (trop) rapide
Ce qui a été intéressant, c’est que je suis devenue limite anorexique dans le programme. En fait, ma première marraine m’a donné un plan alimentaire. Or, elle était toute menue, toute frêle, et moi je suis une mangeuse en quantité. Elle m’a donné un plan alimentaire où je devais peser et mesurer ma nourriture.
J’adorais, ça a été une libération ! J’avais l’impression de me sortir de la boulimie. Je ne me posais plus de question sur mes portions, si c’était trop, pas assez… Le problème ? C’étaient des portions adaptées à elle, mais apparemment insuffisantes pour moi.
Un manque d’honnêteté face au maigrissement
Malgré tout, j’étais dans ce qu’on appelle le pink cloud, le nuage rose. Tout allait bien.
Elle voyait que je maigrissais au fur et à mesure. Au début, c’était super ! Mais elle s’est finalement rendu compte que c’était inquiétant. Alors, elle m’a demandé « est-ce que tu manges assez ? Tu n’as pas faim » ? Évidemment, moi j’étais dans mon nuage. Comme je l’ai toujours connu quand je faisais mes régimes de yoyo, c’était la période heureuse, satisfaisante durant laquelle je maigrissais. Donc je lui disais non, c’est bon. Vraiment, je ne sentais pas la faim. Donc je suivais mon programme.
Une décennie sereine face à la nourriture
1 an après, je suis partie en France. J’ai continué à bien travailler mon programme. Je me suis trouvé une marraine, puis une autre marraine, je travaillais les Étapes. En changeant de marraine, j’ai changé de plan alimentaire. Donc j’ai retrouvé mon poids.
Pendant 10 ans, j’ai eu un bon programme, vraiment. J’étais plus ou moins abstinente, disons. J’ai suivi toutes sortes de plans alimentaires suggérés par OA.
Et puis… J’ai eu 15 années d’enfer total.
Une période difficile, avec le retour de la boulimie et des compulsions alimentaires
TCA : j’ai perdu la maitrise de ma vie
J’ai commencé une relation qui a été très toxique pour moi.
Mon premier mari est décédé 5 ans après notre déménagement à Paris. Ça a été très très dur, mais j’étais toujours abstinente, je travaillais bien le programme. Puis j’ai rencontré cet homme. 3 mois après, j’ai eu ma fille avec lui. Ça a été la descente aux enfers, car j’ai tout lâché. J’ai recommencé à boire, à manger… J’ai vraiment perdu la maitrise de ma vie. Petit à petit, je suis entrée dans une période vraiment horrible. Enfin, horrible… Tout n’était pas horrible, je n’ai pas passé 15 ans d’horreur. Mais c’était une période très dure, avec des hauts et des bas.
J’ai perdu tout espoir de rétablissement
De temps en temps, j’essayais d’aller aux réunions de partage OA, mais je n’y arrivais pas. J’avais vraiment perdu tout espoir. Je me disais, peut-être que je suis incapable de me sortir de la boulimie. Comme on dit dans le programme, à un certain moment : « tout le monde peut se rétablir, à part certains, c’est malheureux, qui sont incapables d’être honnêtes avec eux même. » Je me suis dit, peut-être que c’est ça, je suis incapable d’être honnête avec moi-même… Donc je n’arrive pas à me rétablir des compulsions alimentaires.
… Finalement, le retour vers le programme OA
Puis, j’ai finalement quitté cette relation. J’ai recommencé à aller dans les réunions. J’ai recommencé à avoir un peu d’espoir. J’ai pris une marraine, j’ai changé de marraine, reprit une autre marraine… Mon abstinence était variable, mais je réussissais plus qu’avant à la conserver.
Surtout, le plus important : je me sentais mieux. Je travaillais le programme, même si je n’arrivais pas encore à être complètement abstinente de vomissements et crises boulimiques. Mais mon chemin n’était pas terminé. Le rétablissement a fini par arriver…
7 phases clés pour se sortir de la boulimie
Dans mon parcours de rétablissement, il y a eu des étapes clés.
1. Un plan alimentaire de base : 3 repas par jour
La première étape a été d’avoir mon plan alimentaire : 3 repas, sans rien entre les repas, à part un snack quand j’avais trop d’écart sans manger. J’ai appris, à l’école, qu’il fallait minium 4 h entre chaque repas, et maximum 6 ou 8 h. Je prenais donc parfois un snack, quand la durée entre les repas du midi et du soir était trop importante.
Donc je me suis vraiment attelée à respecter ces 3 repas, rien entre les repas sauf un snack si besoin. Mais, bon, mes quantités étaient toujours énormes. Je ne sais pas si c’est le fait que je viens d’une famille de 5 enfants et je suis au milieu : j’ai toujours l’impression qu’on va me manger mon repas… Donc j’ai besoin d’accumuler, pour être sûre d’avoir assez, au cas où quelqu’un vient dans mon assiette. J’ai donc toujours eu cette tendance à manger de la quantité plutôt que la qualité. Mais, dans cette première phase pour me rétablir des TCA, je me limitais à 3 repas par jour.
2. Les réunions de partage sur la boulimie
La 2e phase pour me sortir de la boulimie a été d’aller régulièrement dans les réunions OA (groupe de parole sur les TCA) et de prendre du service. Ça, vraiment, ça a été clé dans mon rétablissement des TCA.
- Découvrez un autre témoignage sur l’importance des groupes de parole sur la boulimie.
3. La bonne marraine
Mais il y a vraiment eu un basculement il y a environ 4 ans, lors d’un congrès OA à Paris. Entre temps, j’avais déménagé de Paris en Australie, et après 3 ans, à Nice. Depuis j’étais dans cette ville du sud de la France.
Je suis allée à Paris pour le congrès OA. Il y a eu un tour de table, on était en rond. J’ai entendu quelqu’un se présenter avec un accent qui m’était familier. J’ai entendu son nom… C’était une de mes premières marraines à Paris ! Datant de la période où j’avais cette abstinence forte.
J’ai vraiment eu un choc : ça faisait des années que j’essayais de la retrouver, sans succès. J’étais donc super heureuse ! Je lui ai demandé si elle voulait bien être ma marraine à nouveau… Ce qu’elle a accepté.
Ce que j’avais toujours aimé avec cette marraine, c’est qu’elle était très très spirituelle. Elle l’est encore d’ailleurs, puisqu’elle est toujours ma marraine aujourd’hui.
4. Un nouveau moyen de s’engager pour le rétablissement
J’ai donc recommencé à travailler avec elle… Mais j’avais des difficultés à garder mon abstinence. Jusqu’à un nouveau basculement.
Un jour, alors que j’avais des difficultés avec le programme de rétablissement OA, elle m’a demandé : « écoute, est-ce que tu veux vraiment t’engager dans ton rétablissement ? ».
Ce jour-là, je lui ai dit « est-ce que je peux prendre le temps de réfléchir et te répondre ? » Car, à chaque fois je répondais « oui oui, je veux me rétablir de la boulimie, je veux être abstinente. »… Et, à chaque fois, ça ne marchait pas. Cette fois, je n’ai pas voulu dire un truc et ne pas le faire. J’ai donc réfléchi et j’ai senti que, pour aujourd’hui, j’étais dans un bon état, je voulais être abstinente.
Je suis revenu vers elle et lui ai répondu « je veux bien m’engager dans mon rétablissement, mais juste pour aujourd’hui ». « OK, juste pour aujourd’hui », m’a-t-elle répondu.
Le lendemain, j’ai réfléchi de nouveau. « Est-ce que je veux m’engager encore pour aujourd’hui ? » C’était de nouveau une bonne journée, donc je lui ai envoyé un message : « je suis d’accord de m’engager encore, juste pour aujourd’hui ».
Et voilà, ça fait 3 ans je pense. Je n’ai pas calculé malheureusement, je ne me rappelle pas quand c’est arrivé… Mais ça fait un bon moment : je suis abstinente, un jour à la fois.
5. Une redéfinition de mon abstinence face à la nourriture
Une autre étape de mon rétablissement qui a été vraiment critique, c’est le fait que j’ai changé la définition de mon abstinence.
Aujourd’hui, mon abstinence c’est « ne pas me faire vomir, ne pas avoir de crise de boulimie ».
C’est simple, vraiment simple. J’utilise les outils du programme pour arriver à ça. Un des outils majeurs pour moi, même si tous sont importants, c’est le plan alimentaire. J’utilise aussi le service, le marrainage, etc.
Mais mon plan alimentaire est un outil, alors qu’avant je considérais ça comme mon abstinence. Si je dépassais un peu de mon plan alimentaire, ça voulait dire que j’avais raté, que ma journée était foutue, que je recommençais de zéro…
- Découvrez les 9 outils de rétablissement recommandés chez OA.
J’ai retrouvé des cahiers dans lesquels je notais tout le temps mes repas et le nombre de jours. À chaque fois, toutes les deux ou trois pages, ça reprend à J0. Je notais J1, J2, J3 et ça recommençait à J0… Et je me sentais comme de la merde, vraiment comme de la merde. Et je ne sais pas pourquoi, le fait de changer ma définition de mon abstinence, ça a enlevé tout le poids que j’avais mis sur mon plan alimentaire. Du coup, je n’ai plus toute cette pression.
6. L’arrêt d’un aliment déclencheur de crises boulimiques
L’autre élément critique, c’est que j’ai arrêté le sucre. J’avais identifié depuis très longtemps que le sucre est vraiment un déclencheur pour moi. Physiquement, dès que je mangeais du sucre, pour une raison que je ne connais pas mais qui fait partie de la maladie, je commençais à avoir envie de manger. Pas une faim physique, mais je commençais à penser à la nourriture. Ça ouvrait la porte aux crises de boulimie.
Et je vous assure, plusieurs de mes amies et ma mère ont fait l’expérience, ont arrêté de prendre du sucre et des farines blanches, et m’ont dit : « c’est marrant, depuis je ne pense pas à la nourriture ». J’ai alors réalisé : c’est ça, c’est exactement ça. Bien sûr, tout le monde n’a pas ce problème d’être allergique au sucre… Mais pour moi, le sucre, c’est l’alcool de l’alcoolique. Arrêter le sucre m’a considérablement aidé à me libérer de la boulimie.
7. Une connexion spirituelle qui libère l’esprit de la nourriture
Je travaille un programme spirituel. C’est d’ailleurs ce que j’aime beaucoup chez ma marraine, depuis le début.
Je travaille les étapes, je dois avouer que je suis très lente, mais ça marche. Je me sens respectée dans mon rétablissement et le rythme que je prends. Ce que j’adore c’est que dès que j’appelle ma marraine, elle va tout le temps me ramener vers ma puissance supérieure.
Aujourd’hui, j’ai vraiment une puissance supérieure qui est là pour moi. Un jour à la fois, elle m’a aidée à avoir l’abstinence que j’ai, et à libérer mon esprit !
Je me sens vraiment bien. La vie n’est pas rose, j’ai encore des problèmes, je ne me sens pas tout le temps sereine, je me bagarre encore avec l’image de moi-même… Mais ma vie est extraordinaire, par rapport à mon quotidien au cœur de la maladie.
Voilà. Ce sont toutes ces étapes qui font qu’aujourd’hui, je suis abstinente. Je voudrais donc vous dire qu’il y a de l’espoir. Vraiment. Si moi j’ai réussi, tout le monde peut s’en sortir.
Merci beaucoup d’avoir lu ce témoignage d’une amie outremangeuse anonyme. Pour, vous aussi, sortir de la boulimie, découvrez le programme de rétablissement.